La famille Figueroa menacée parce qu’elle maintient sa plainte pour torture
Il y a plus d’un an les frères Juan Antonio, Jésus Iván et Luis Adrián Figueroa Gómez et Misael Sánchez Frausto ont été libérés. La justice a reconnu que les preuves retenues à leur encontre avaient été obtenues sous la torture. Pourtant, l’enquête faisant suite à leur plainte déposée en décembre 2014 n’avance pas. Pire, ils continuent à être menacés.
Le 18 janvier 2012, les quatre jeunes hommes (Luis Adrián était mineur) ont été embarqués, sans mandat d’arrêt, par la police judiciaire du ministère public de Chihuahua. Les agents les ont détenus au secret et torturés pendant deux jours, puis les ont présentés aux médias comme des membres d’un gang responsable de rackets.
Finalement, le 30 août 2013, le plus jeune a été libéré, les trois autres ne l’ont été qu’un an plus tard, le 9 juin 2014. Dans tous les cas, les tortures ont été clairement établies.
Le 2 décembre 2014, les victimes ont déposé une plainte auprès du ministère public de Chihuahua mettant en cause quatre agents.
Tout au long de leur détention et depuis leur libération, les victimes et leurs proches ont subi maintes menaces et intimidations visant à les dissuader de dénoncer les tortures.
Encore récemment, le 20 juillet 2015 vers 15h, l’aîné des frères, Juan Antonio, a été menacé sur son lieu de travail, une station service, par deux agents du ministère public en camionnette : « on sait où te trouver, continue comme ça et on va te détruire ! » Depuis, des fourgons du ministère public restent postés devant le domicile de Juan Antonio afin de l’intimider. Les 2 et 8 septembre tôt le matin, Juan Antonio a même été suivi par ces véhicules.
Pendant ce temps, l’enquête pour torture reste au point mort.
Les ravages de la « guerre contre le crime »
À son arrivée au pouvoir en décembre 2006, le président Felipe Calderón a déclaré la guerre à la délinquance organisée. D’une manière générale, les forces de l’ordre et l’appareil judiciaire ont procédé à des arrestations et condamnations massives en recourant à l’extorsion d’aveux et aux preuves illicites. Le bilan de la guerre de Calderón est estimé à au moins 60 000 morts, 26 000 victimes de disparition forcée, 250 000 déplacés internes et des milliers de personnes torturées au cours de leur garde à vue et de leur détention.
Le président Enrique Peña Nieto, en place depuis décembre 2012, n’a pas changé la donne.
Chihuahua compte parmi les États les plus touchés par cette situation.
La torture comme première méthode d’enquête
La Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) a enregistré 1 505 plaintes pour torture et mauvais traitements en 2013 contre 219 en 2003, soit une augmentation de 600 % en dix ans.
En avril 2014, le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, Juan E. Méndez, s’est rendu au Mexique. Il a qualifié le recours à la torture d’« endémie inquiétante » au sein de « tous les corps de sécurité publique, policiers ou militaires. » Dans la plupart des cas, le mode opératoire est similaire : les individus sont arrêtés avant même le début de l’enquête et font l’objet de coups et de menaces dès le transfert vers le lieu de détention. Les personnes arrêtées ne sont remises aux autorités judiciaires qu’au bout de 6 à 18 heures alors que, selon les termes de la loi, cette présentation doit avoir lieu immédiatement et en présence d’un avocat. Très souvent, les juges acceptent les confessions obtenues sous la torture, violant le droit des accusés à un procès équitable. Selon Juan E. Méndez : « La plupart des coupables ne sont jamais identifiés. Et lorsqu’ils le sont, ils ne sont pas arrêtés. »
Depuis 2012, l’ACAT a mené plusieurs actions en faveur des quatre victimes, de leurs parents et de leur avocate. La dernière était en décembre 2014.
Vous voulez agir en faveur des frères Figueroa Gómez, de Misael Sánchez Frausto et de leurs proches, envoyez cette lettre aux autorités mexicaines.