Gabon
Actualité

Gabon : Le régime joue la carte de l’endormissement de la communauté internationale pour tourner la page de la crise post-électorale

Le 16 septembre 2017, le gouvernement gabonais, conscient que le temps écoulé joue en sa faveur, a annoncé pour calmer et endormir les rares remontrances internationales, la mise sur pied d’une « commission nationale chargée de mener des enquêtes » , tout en excluant une enquête internationale. Une manière de signifier : Circulez, il n’y a rien à voir, nous gérons.
situasi-memanas-pemerintah-gabon-bombardir-markas-oposisi-EBz8xNqgDn
Le 19 / 10 / 2017

Dans sa résolution du 14 septembre 2017[1], le Parlement européen a demandé la mise en place d’une enquête internationale, sous l’égide des Nations unies, pour établir la vérité sur les exactions commises au Gabon à l’occasion des élections d’août 2016. Pour rappel, le bilan officiel fait état de 3 morts, tandis que l’opposition parle d’au moins 100 victimes, dont plusieurs allégations d’exécutions sommaires et de disparitions forcées. Plus d’un an après, les autorités gabonaises n’ont toujours pas établi la vérité sur ces événements.

Conscient de l’absence de volonté politique du régime en place d’établir vérité et justice pour les victimes d’août 2016, le Parlement européen a invité les instances européennes et leurs États membres à envisager des sanctions ciblées à l’encontre des responsables de ces violences.

Un mois plus tard, la résolution du Parlement européen – non contraignante – a déjà été enterrée au niveau des instances européennes et de ses États membres. Les États européens, en premier lieu la France, souhaitent-ils tourner la page des élections au Gabon par leur silence complaisant ? Sans oublier les instances africaines, dirigées par une majorité de présidents à vie, qui jouent de manière répétée la carte des régimes au pouvoir quand bien même ces derniers bafouent la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance[2], adoptée en janvier 2007.

Pour les autorités gabonaises, dans un rapport soumis aux Nations unies en juillet 2017 : « aucune disparition ou plainte n’a été portée à la connaissance des autorités judiciaires ou de police »[3]. Cette affirmation – réitérée par la représentante du Gabon aux Nations unies le 6 septembre dernier lors de la session du Comité des disparitions forcées – a été contredite par le Président de ce Comité, M. Emmanuel Decaux, qui a parlé d’une « politique de l’autruche », ajoutant « je comprends la volonté de tourner la page, encore faut-il avoir lu la page »[4]. En conclusion de cette session, le Comité des disparitions forcées, a rappelé aux autorités gabonaises qu’elles devaient mener sans tarder une « enquête exhaustive et impartiale », même en l’absence de plainte formelle et rendre publics ses résultats[5].

Un an auparavant, la Mission d’observation électorale de l’Union européenne au Gabon avait fait la même recommandation : « conduire une enquête indépendante sur les violences électorales et les allégations des graves violations des droits de l’homme »[6].

Le 16 septembre 2017, le gouvernement gabonais, conscient que le temps écoulé joue en sa faveur, a annoncé pour calmer et endormir les rares remontrances internationales, la mise sur pied d’une « commission nationale chargée de mener des enquêtes »[7], tout en excluant une enquête internationale. Une manière de signifier : Circulez, il n’y a rien à voir, nous gérons.

 

[1] Résolution du Parlement européen sur la répression de l’opposition au Gabon : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+TA+P8-TA-2017-0349+0+DOC+PDF+V0//FR

[2] Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance : http://www.un.org/fr/africa/osaa/pdf/au/african_charter_democracy_elections_governance_2007f.pdf

[3] Réponses du Gabon à la liste de points du Comité des disparitions forcées : https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G15/195/45/PDF/G1519545.pdf?OpenElement

[4] L’ONU se penche sur les cas des disparitions forcées au Gabon : http://www.rfi.fr/afrique/20170908-gabon-dossier-disparitions-forcees-debat-onu

[5] Observations finales du Comité des disparitions forcées : http://tbinternet.ohchr.org/Treaties/CED/Shared%20Documents/GAB/INT_CED_COC_GAB_28909_F.pdf

[6] Rapport final de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne de l’élection présidentielle du 27 août 2016 au Gabon : https://eeas.europa.eu/sites/eeas/files/gabon_moe_rapport_final_0.pdf

[7] Gabon: «Il y a la possibilité d’envisager une loi d’amnistie pour des coupables» : http://www.rfi.fr/emission/20170916-gabon-issozet-ngondet-premier-ministre-amnistie-opposition

Articles associés

Actualité
visuel Avent 2023
ChineGabonIranMexique

Avent 2023 : ne les oublions pas

Le 08 / 12 / 2023
À l'approche des fêtes de Noël, n'oublions pas celles et ceux qui attendent toujours d'être libérés des pires tortures, de la terreur, ou qui n'ont d'autre choix que l'exil et se trouvent à cette heure sans défense et perdus.
Bonne nouvelle
Yama_Liberation_20230905
Gabon

Libération de Jean-Rémy Yama !

Le 15 / 09 / 2023
Le syndicaliste Jean-Rémy Yama a été libéré de prison le 5 septembre 2023 moins d’une semaine après le coup d’État ayant déposé Ali Bongo, le 30 août 2023, après des élections présidentielles une nouvelle fois frauduleuses. Le nouvel homme fort du Gabon, le général Brice Oligui Nguema, ancien chef de la garde républicaine et dorénavant président du Comité de transition et de la restauration des institutions, avait pris l’engagement de libérer les prisonniers d’opinion dans le pays.
Article
000_FR67E-Marco-LONGARI
Gabon

Comment la CPI a été instrumentalisée par le régime Bongo

Le 13 / 09 / 2023
Alors qu’une crise postélectorale menaçait à nouveau d’éclater au Gabon après le scrutin du 26 août, et que l’armée a renversé Ali Bongo Ondimba, les stigmates de la précédente élection ne sont toujours pas effacés, et la justice n’est jamais passée. En instrumentalisant la CPI, le pouvoir de Libreville a gagné du temps grâce au silence complice de la communauté internationale. Second et dernier épisode de notre analyse.