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Formosa, 3 ans après : les défenseurs de l’environnement toujours bâillonnés

Il y a trois ans, le Vietnam était touché par la plus importante crise environnementale de son histoire. Lorsqu’en avril 2016, la firme taïwanaise Formosa déverse des tonnes de déchets toxiques dans la mer, la catastrophe affecte quatre provinces et des centaines de milliers de personnes. Après avoir alimenté une crise sociale et politique nationale, cet incident a abouti à un rétrécissement de l’espace public sur la question de l’environnement.
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Un pêcheur de la province de Ha Tinh. Crédits: DR
Le 18 / 04 / 2019

La pire crise environnementale que le Vietnam ait connue

La catastrophe environnementale de Formosa débute autour du 4 avril 2016, lorsqu’un plongeur du hameau de Ba Dong, dans la province de Ha Tinh, découvre sous l’eau un tuyau déversant un liquide jaunâtre dans la mer. Quelques jours plus tard, les pêcheurs de la province commencent à constater la mort en masse de mérous, de vivaneaux rouges et de bars dans leurs élevages. A la surface de l’eau, des milliers de poissons morts font leur apparition. Les plongeurs de la zone tombent malades. Le phénomène s’étend aux provinces centrales de Quang Binh, Quang Tri et Thua Thien-Hue.

En cause : l’aciérie taïwanaise Formosa Ha Tinh Steel Co. qui déversait des déchets industriels toxiques via des canalisations de drainage sous-marins. Après plusieurs semaines de louvoiements et de fausses pistes alimentées par le ministère de l’Environnement vietnamien, l’entreprise reconnaît sa responsabilité le 30 juin 2016. Selon des statistiques gouvernementales, au moins 115 tonnes de poisson sauvage, 140 tonnes de poisson d’élevage et 67 tonnes de coquillages auraient été perdues à cause de la pollution des côtes. Des chiffres que les populations locales considèrent comme largement sous-estimés.

La crise a également eu un coût humain. Selon le site d’informations indépendant The Vietnamese, au moins un plongeur est décédé des suites de son activité professionnelle dans les eaux polluées, tandis qu’une femme est morte après avoir ingéré du poisson intoxiqué. Plusieurs dizaines de pêcheurs et consommateurs ont développé des problèmes de santé en lien avec le déversement toxique. Là non plus, l’ampleur réelle de la crise sanitaire ne peut être estimée précisément à cause du verrouillage de l’information ayant rapidement été mis en place par les autorités vietnamiennes.

Au-delà du coût environnemental et sanitaire, un durcissement politique

En effet, cette catastrophe écologique a engendré une crise sociale et politique. Les populations affectées n’ont pas été indemnisées correctement par le gouvernement, qui a au contraire brutalement réprimé toute mobilisation citoyenne et empêché le débat public. Ces nombreuses violations des droits humains, combinées à d’autres facteurs, ont fait de 2016, 2017 et 2018 des années noires pour la liberté et la démocratie, caractérisées par des arrestations arbitraires, des violences policières et des condamnations abusives d’activistes. 

Dès le mois de mai 2016, des manifestations secouent les grandes villes du pays : Hanoi, Ho Chi Minh City, Da Nang, Nha Trang ou encore Vung Tau. Des mois durant, des marches pacifiques s’organisent, ainsi que des pétitions et des réunions d’informations dans les paroisses. Tandis que les médias d’Etat tentent de calmer la gronde à renfort d’opérations de communication, les manifestants sont surveillés, frappés par la police, ramenés au poste où certains subissent des tortures. Les rares journaux qui passent outre l’autocensure et tentent de couvrir les évènements reçoivent des amendes, tandis que les militants les plus connus font l’objet de campagnes de dénigrement publiques.

Si l’entreprise Formosa s’est engagée à dédommager les victimes directes et indirectes de la catastrophe, ces dernières – liées à l’industrie de la pêche et du tourisme – sont encore nombreuses à n’avoir rien perçu aujourd’hui. Seulement, les défenseurs qui portaient leurs demandes ayant pour la plupart été emprisonnés, elles sont aujourd’hui sans voix.

Les défenseurs de l’environnement bâillonnés

Depuis octobre 2016, plusieurs dizaines de défenseurs de l’environnement ont été arrêtés, inculpés et condamnés à de longues peines de prison pour avoir participé à des manifestations, réclamé des réponses de leur gouvernement ou encore soutenu des familles de victimes dans leur quête de justice.

C’est le cas, entre autres, de la blogueuse Nguyen Ngoc Nhu Quynh (Me Nam), condamnée à 10 ans de prison avant d’être exilée en octobre 2018, de la militante Tran Thi Nga, qui doit passer 9 ans derrière les barreaux, du journaliste Le Dinh Luong, qui a reçu la peine la plus sévère avec 20 ans de prison, du photojournaliste Nguyen Van Hoa, condamné à une peine de 7 ans, ou encore des blogueurs Hoang Duc Binh (14 ans) et Nguyen Van Oai (5 ans de prison). Toutes et tous ont fait état de mauvais traitements et d’actes de torture subis en détention provisoire ainsi qu’en prison. La plupart d’entre eux ont également été placés dans des prisons éloignées de plusieurs centaines de kilomètres de leur famille, une mesure destinée à les couper de leur réseau de soutien moral.

D’autres défenseurs de l’environnement sont toujours traqués par les autorités vietnamiennes et ont dû mettre entre parenthèses leur activisme. Bach Hong Quyen, un blogueur ayant notamment questionné la responsabilité de certains officiels vietnamiens dans le désastre de Formosa, est toujours poursuivi pour « trouble à l’ordre public » et a dû se réfugier en Thaïlande. Même là, il risque toujours d’être expulsé vers son pays. Le journaliste Tran Minh Nhat est lui aussi sous le coup d’un mandat d’arrêt depuis 2017, tout comme l’activiste catholique Thai Van Dung, qui avait organisé des manifestations contre Formosa. Enfin, nombreux sont les défenseurs ayant été victimes de violences policières, de tentatives d’intimidation et de diffamation par les organes de propagande du régime vietnamien.

Aujourd’hui, ils sont une vingtaine à purger des peines de prison allant de 5 à 20 ans pour avoir lutté pour davantage de transparence et défendu leur communauté.

L’ACAT se mobilise pour eux. Pour les soutenir, engagez-vous à nos côtés en signant  notre pétition et en rejoignant  notre campagne.

La campagne  « Vietnam : le connaissez-vous vraiment ? », lancée par l’ACAT en décembre 2018, vise à faire la lumière sur la répression croissante des libertés fondamentales et sur les conditions dans lesquelles se trouvent les défenseurs des droits humains, arrêtés et détenus arbitrairement pour avoir dénoncé des catastrophes telles que Formosa.

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