Disparitions forcées, outil de répression politique
Depuis mars 2014, au moins 14 personnes ont été victimes de disparitions forcées au Rwanda, après avoir été arrêtées par des éléments des forces de défense et de sécurité. Leurs proches les recherchent en vain auprès des autorités. Ces dernières leur indiquent simplement que des enquêtes sont en cours. Un flou qui renforce l’anxiété des familles de disparus.
Un régime qui a peur
Lors d'un déplacement dans l'ouest du pays, début juin 2014, le président Paul Kagamé a expliqué aux habitants du district de Nyabihu : « Nous ne pouvons laisser personne compromettre notre sécurité et notre développement. Ceux qui chercheront à déstabiliser le pays continueront à être arrêtés. On pourrait même être amené à les tuer en plein jour ». Le pouvoir en place à Kigali est persuadé que le pays est en proie à une menace sécuritaire imminente venant de République démocratique du Congo (RDC) : des infiltrations d’éléments des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) - groupe armé rwandais basé en RDC - seraient en cours.
Une vague de répression
Pour le Rwanda, tous les moyens semblent être bons pour pallier cette menace. Ces dernières années, plusieurs personnes accusées de vouloir attenter à la sûreté de l’État ont été assassinées à l’étranger. D’autres ont été kidnappées dans les pays avoisinants, principalement en RDC et en Ouganda, et ramenées au Rwanda pour y être jugées. Depuis mars 2014, au Rwanda, 14 personnes soupçonnées de connivence avec les FDLR ont disparu. Dans au moins huit des cas, des témoins ont vu des agents de l’État être présents au moment des enlèvements dont, à plusieurs reprises, le secrétaire exécutif du secteur de Gisenyi, Honoré Mugisha. Jusqu’à ce jour, ces 14 personnes demeurent introuvables malgré les multiples démarches de leurs proches, qui ont frappé à toutes les portes de l’administration afin de savoir ce qu’il était advenu des disparus. Selon toute vraisemblance, ces personnes portées disparues seraient détenues au secret dans des camps militaires où elles risquent d’être interrogées sous la contrainte, voire sous la torture, afin de leur extorquer des informations et des aveux de culpabilité. Il est fort probable que ces personnes soient, un jour, présentées à la justice. C’est, en effet, une pratique du Rwanda : à la suite des attentats à la grenade perpétrés dans la capitale entre janvier et mars 2010, 30 hommes avaient été enlevés en juin 2010 et emmenés dans des lieux de détention illégaux. Après huit mois de réclusion au secret, ils avaient été remis à la justice et transférés dans des prisons civiles. Au cours de leur interrogatoire en détention, ils avaient été torturés.
Une législation qui interdit les enlèvements
Bien que le Rwanda n’ait pas encore ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, son code pénal interdit « l’enlèvement » et la « détention illégale ». Toutefois, l’acte de « disparition forcée » n’étant pas défini comme un crime en droit, les familles de disparus n’ont que peu de recours envisageables pour retrouver leurs parents disparus, à part le bon vouloir des autorités.
Zoom : Hassani Bizimana : enlevé au sortir de son travail
Le 16 avril 2014, comme à l’accoutumée, vers 18 heures, M. Hassani Bizimana a fermé sa boutique, située dans le quartier d’Ubutabazi dans la commune de Gisenyi. La nuit commençait à tomber. Un militaire en uniforme, sans insigne, l’attendait dehors. Alors que ce dernier s’apprêtait à l’arrêter, M. Bizimana a, tout à coup, crié aux personnes se trouvant aux alentours : « Vous tous, regardez ! Les militaires m’emmènent quelque part ! Si vous ne me retrouvez pas, sachez que ce sont eux qui m’ont enlevé ! ». Le soir même, les proches de M. Bizimana se sont rendus au poste de police le plus proche. Il leur a été dit que des militaires l’avaient emmené dans leur base, appelée « gendarmerie », située près de la frontière congolaise. Le 2 mai, ses proches ont demandé par écrit aux autorités de la police que leur soit révélé le lieu d’enfermement d’Hassani Bizimana. Jusqu’à ce jour, ils attendent toujours une réponse à leur question.
Vous pouvez agir auprès des autorités rwandaises en envoyant cette lettre.