Détention arbitraire de cinq jeunes activistes congolais
Messieurs Celeste Nlemvo Makela – membre du mouvement citoyen « Ras-le-bol » – Parfait Mabiala, Franck Donald Saboukoulou, Guil Ossebi et Meldry Dissavoulou – sympathisants du mouvement « Incarner l’Espoir » – sont détenus arbitrairement à la maison d’arrêt de Brazzaville depuis plus de deux mois, pour avoir exercé pacifiquement leur liberté d’expression.
Entre le 23 novembre 2019 et le 22 décembre 2019, cinq jeunes activistes de la société civile congolaise ont été arrêtés pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’État », une accusation extrêmement vague régulièrement utilisée par le régime pour mettre en prison ses dissidents :
- Parfait Mabiala, arrêté le 23 novembre à Pointe noire
- Franck Donald Saboukoulou, arrêté le 13 décembre à Brazzaville
- Guil Ossebi, arrêté le 16 décembre à Brazzaville
- Meldry Dissavoulou, arrêté le 17 décembre à Brazzaville
- Celeste Nlemvo Makela, arrêté le 22 décembre à Pointe noire
Ces jeunes activistes étaient dans le viseur des autorités depuis longtemps. Les autorités congolaises leur reprochent leur communication sur les réseaux sociaux, notamment des messages de soutien à la démarche électorale d’Andrea Ngombet – activiste et opposant au régime de Denis Sassou Nguesso – qui a lancé depuis la France un mouvement intitulé « Incarner l’Espoir ».
Il semblerait que les cinq activistes, à qui toute liberté provisoire est refusée, aient comparu devant un juge d’instruction le 30 janvier dernier, ce qui est hors délai selon le droit congolais.
L’ACAT-France se préoccupe des conditions de détention de ces cinq jeunes, dans un pays où l’usage de la torture et des mauvais traitements est courant, particulièrement à l’encontre des personnes soupçonnées de critiquer le régime en place.
A l’approche de l’élection présidentielle de 2021 – à laquelle le président Denis Sassou Nguesso, âgé de 76 ans, sera à nouveau candidat – leur détention pour « atteinte à la sécurité de l’Etat » apparaît comme un signal négatif adressé à la société civile congolaise, à sa jeunesse tout particulièrement, et à tous ceux qui voudraient faire usage de leur liberté d’expression pour critiquer pacifiquement les autorités au pouvoir et/ou pour promouvoir des mouvements et partis d’opposition. Le régime de Denis Sassou Nguesso – qui cumule plus de trente-cinq ans de pouvoir – a en effet très peur que la jeunesse congolaise se mobilise et se coordonne pour demander l’alternance politique dans le pays. Le régime est par conséquent extrêmement vigilant des initiatives qui peuvent être prises et casse toute velléité de prise de position pouvant faire adhérer la jeunesse à des dynamiques anti-régime.
Vous souhaitez vous mobiliser pour faire libérer les cinq jeunes activistes congolais ?
- Téléchargez ce modèle de lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la aux autorités congolaises.
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CONTEXTE
Pays d’Afrique centrale, la République du Congo est dirigée d’une main de fer par Denis Sassou Nguesso, qui cumule plus de trente-cinq ans de pouvoir. En 2014, il s’engage dans une course contre la montre en vue de l’instauration d’une nouvelle Constitution. Son objectif : pouvoir être, en 2016, candidat à l’élection présidentielle, ce que l’ordre constitutionnel en vigueur lui interdit. En octobre 2015, en violation de la loi congolaise et de ses engagements internationaux et dans un contexte politique très tendu, les autorités congolaises font adopter, par un référendum – aux résultats très contestables – une nouvelle Constitution, sur mesure, pour le président en exercice. En mars 2016, Denis Sassou Nguesso se fait réélire sans difficulté à l’issue d’un scrutin, une nouvelle fois, ni transparent ni démocratique.
Les deux processus électoraux, contestés, entraînent le pays dans une crise politique et sécuritaire majeure, particulièrement dans trois départements : Brazzaville, Pointe-Noire et le Pool. Entre avril 2016 et décembre 2017, les habitants du Pool sont confrontés à un conflit armé de basse intensité entre les forces de défense et de sécurité gouvernementales et les miliciens du pasteur Ntumi. De graves violations des droits humains sont commises dans un silence assourdissant de la communauté internationale. Jusqu’à ce jour, aucune enquête indépendante n’a été menée sur ces faits et les responsables d’exactions, quel que soit le camp, jouissent d’une impunité notoire, une habitude ancrée au Congo depuis les précédents conflits des années 90.
Depuis le référendum constitutionnel d’octobre 2015 et l’élection présidentielle de mars 2016, la situation des libertés publiques et des droits fondamentaux s’est considérablement rétrécie dans le pays. Les autorités congolaises ont mené une vague d’arrestations d’opposants et interdit de nombreuses manifestations pacifiques.
La justice a particulièrement été instrumentalisée pour réduire au silence les adversaires politiques de Denis Sassou Nguesso. Des dizaines d’activistes et opposants, condamnés ou inculpés pour « incitation aux troubles à l’ordre public » et « atteinte à la sûreté intérieure »,croupissent actuellement en prison, certains depuis plusieurs années, pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté d’expression et de manifestation pacifique. Nombre d’entre eux ont fait l’objet de tortures durant leur garde à vue.
- En mars 2019, André Okombi Salissa, candidat à la présidentielle de 2016, a été condamné à 20 ans de travaux forcés par la Cour criminelle de Brazzaville pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’État ». Le président de la Convention pour l’action, la démocratie, et le développement (CADD) avait été arrêté en janvier 2017. Il vivait alors dans la clandestinité après avoir déclaré publiquement, en avril 2016, qu'il ne reconnaissait pas les résultats de l’élection présidentielle.
- En mai 2018, un autre candidat à la présidentielle de 2016, Jean-Marie Mokoko, a été condamné à 20 ans de prison pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’État » et « détention d’armes de guerre », à l'issue d'une procédure judiciaire émaillée d'irrégularités. Il avait revendiqué la victoire de la présidentielle.
Ces deux opposants sont considérés par les Nations unies comme des prisonniers politiques, détenus arbitrairement.
A cette crise politique s’ajoute une crise économique qui a mis à nu la fragilité de l’économie congolaise, dépendante du pétrole, victime de la corruption généralisée du clan au pouvoir et de la mise en œuvre de politiques publiques hasardeuses en matière d’investissement et d’endettement. Cette crise économique qui découle en premier de la mauvaise gouvernance généralisée a des conséquences très négatives sur les droits sociaux et économiques des citoyens congolais : les fonctionnaires ne sont plus payés à temps, les retraités et les agents des services paraétatiques cumulent des d’arriérés de salaires impayés, la bourse des étudiants n’est plus payée, etc. Le pays est dépendant de ses bailleurs et de ses partenaires commerciaux.