Condamnée à 15 ans de prison sur la base d’aveux extorqués sous la torture
L’opposante Victoire Ingabire, 49 ans, présidente des Forces démocratiques unifiées-Inkingi (FDU-Inkingi), croupit en prison depuis octobre 2010. Sur la base d’aveux extorqués sous la torture, elle a été condamnée en décembre 2013 à 15 ans de prison par la Cour suprême. Sa demande d’appel – rejetée – devrait être entendue et donner lieu à une procédure équitable, conforme au droit.
Human Rights Watch (HRW) vient de publier un rapport sur l’usage de la torture au Rwanda. L’organisation y documente plusieurs cas de torture à l’encontre de prisonniers à qui les services de renseignements ont demandé, sous la torture, d’accuser Victoire Ingabire de complicité avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle armé rwandais actif dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
Premier témoignage : « Ils m’ont demandé de l’accuser de complicité avec les FDLR et de dire qu’elle a été impliquée dans les attentats à la grenade ». Second témoignage : « J’ai vu des hommes qui se faisaient écraser les testicules pour qu’ils avouent qu’ils avaient collaboré avec Victoire ».
Au cours des deux procès de Victoire Ingabire, en octobre 2012 et décembre 2013, de graves irrégularités ont été dénoncées par plusieurs organisations internationales de défense des droits de l’homme. En décembre 2013, devant la Cour suprême, quatre témoins de l’accusation du premier procès ont révélé que leurs témoignages avaient été falsifiés. Ces quatre témoins ont été détenus plusieurs mois au camp militaire de Kami, lieu tristement célèbre parce que, selon le rapport de HRW, la torture y est une pratique courante.
A aucun moment, en 2012 et 2013, la justice rwandaise n’a remis en cause les témoignages de l’accusation ni entrepris une enquête sur les allégations de tortures à l’encontre de plusieurs témoins.
Face aux nouvelles révélations de HRW sur ce dossier, il est temps que les instances politiques européennes, comme l’a demandé le Parlement européen dans une résolution d’octobre 2016, se mobilisent sur ce dossier. La justice rwandaise doit faire preuve d’indépendance et l’appel interjeté par Victoire Ingabire doit être examiné conformément au droit.
Contexte
Le Rwanda est un pays en recul sur le plan des droits civils et politiques. Le manque d’indépendance du système judiciaire rwandais dans des dossiers politiques est criant.
Condamnée pour avoir osé se présenter à la présidentielle de 2010
Victoire Inagbire a eu le malheur d’arriver au Rwanda en janvier 2010 pour participer à l'élection présidentielle d’août 2010. Son parti, FDU-Inkingi n’est pas reconnu par les autorités. Victoire Ingabire a été arrêtée en octobre 2010, accusée d'avoir voulu former une alliance avec les FDLR et d'avoir tenu des propos jugés négationnistes. En octobre 2012, la Haute Cour de Kigali l’a condamnée à 8 ans de prison. En décembre 2013, la Cour suprême de Kigali l’a condamnée à 15 ans de prison pour « conspiration contre les autorités par le terrorisme et la guerre », « minimisation du génocide » et « propagation de rumeurs dans l'intention d'inciter le public à la violence ». Les membres de son parti politique sont régulièrement harcelés et arrêtés, notamment quand ils osent aller visiter Victoire Ingabire en prison.
Un pays qui ne veut pas répondre aux instances africaines
En 2015, Victoire Ingabire a interjeté un appel devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), accusant le gouvernement rwandais de bafouer ses droits. Pour ne pas devoir répondre à la CADHP, le Rwanda a tout simplement retiré le 26 février 2016 - quelques jours avant l’audience de la CADHP – sa déclaration acceptant la compétence de la Cour africaine pour connaître des affaires soumises directement par des citoyens. Pour le gouvernement rwandais, les juridictions nationales sont capables de traiter les affaires locales.
Vous pouvez agir en sa faveur en envoyant cette lettre.