Allégations de torture contre l’ex-député Bertrand Zibi Abeghe, emprisonné depuis le 31 août 2016
Bertrand Zibi Abeghe, ancien député démissionnaire du Parti démocratique gabonais (PDG) – au pouvoir – et proche de l’opposant Jean Ping, est en prison depuis le 31 août 2016. Il n’a toujours pas été jugé. Mi-janvier 2018, il aurait été tabassé après la découverte d’un téléphone portable dans la cellule commune qu’il partageait avec d’autres détenus.
Bertrand Zibi Abeghe est incarcéré à l’isolement au sein de la prison centrale de Libreville pour « détention de téléphone portable ». Mi-janvier, à la suite d’une fouille de la cellule commune où il était détenu, un téléphone portable aurait été retrouvé. Bertrand Zibi Abeghe aurait été accusé d’en être le propriétaire. Dans la foulée, il aurait été enchaîné, encagoulé et environ dix hommes seraient venus le tabasser, jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Ses avocats, qui lui ont rendu visite le 17 janvier, ont trouvé Bertrand Zibi Abeghe, le regard hagard, marchant avec difficulté, avec de nombreux hématomes sur le corps. Il leur a indiqué qu’il n’avait ni bu ni mangé depuis trois jours.
A la suite d’un message[1] adressé par Bertrand Zibi Abeghe à ses partisans - relayé fin décembre 2017 sur la page Facebook de Marc Ona Essangui, militant de la société civile - la famille du détenu n’a plus eu accès à la prison.
Il est de la responsabilité des autorités gabonaises d’entreprendre une enquête indépendante et impartiale afin d’établir la vérité sur ces allégations de torture et de sanctionner leurs auteurs. Il est également de la responsabilité des autorités gabonaises de garantir l’intégrité physique et psychologique de Bertrand Zibi Abeghe et de veiller à ce que ses droits procéduraux soient respectés. Bertrand Zibi est en prison depuis 17 mois. Conformément au code de procédure pénale, le juge d'instruction n'a plus qu’un mois pour boucler son enquête. Interviendra ensuite un procès ou un non-lieu.
Contexte
Un député qui démissionne en pleine campagne électorale
En pleine campagne pour l’élection présidentielle, alors que le candidat sortant Ali Bongo est en déplacement dans le département du Haut-Ntem, Bertrand Zibi Abeghe, alors député du PDG (parti au pouvoir), décide, le 23 juillet 2016, de démissionner publiquement de ce parti, en plein meeting à Bollosoville, face au chef de l’Etat. Dans son discours de démission, le député rappelle que les poteaux électriques plantés en 2005 dans le district de Bollosoville attendent l’électricité jusqu’à ce jour…
Arrestation de Bertrand Zibi Abéghé le 31 août 2016
Dans la nuit du 31 août 2016 - jour de la proclamation des résultats controversés donnant Ali Bongo vainqueur après un processus électoral non transparent - le quartier général du candidat de l’opposition Jean Ping est pris d'assaut par un commando. Ces derniers usent de la force létale et tuent des militants de l'opposition. Arrivent ensuite les forces de l’ordre. Bertrand Zibi Abeghe est arrêté avec plus d’une centaine de cadres et de militants de l’opposition. Il passe les quatre premiers jours de sa détention à la Direction générale des recherches (DGR), où il est maintenu au secret. Il subit alors des brimades et des sévices.
Une très longue détention provisoire
Depuis son arrestation le 31 août 2016 jusqu’à ce jour, les avocats de Bertrand Zibi Abeghe ont déposé plusieurs demandes de liberté provisoire que le juge d’instruction a, à chaque fois, rejetées.
Pour Maître Jean-Paul Méthode Imbong Fady, avocat de la défense, le dossier de son client est vide. Bertrand Zibi Abeghe est un prisonnier politique, détenu pour avoir eu l’outrecuidance de démissionner du parti au pouvoir devant le président de la République Ali Bongo, en pleine campagne électorale en vue de sa réélection.
Le 25 septembre 2017, après huit mois de détention provisoire, la justice gabonaise indique à Bertrand Zibi Abeghe qu’il est poursuivi pour plusieurs chefs d'accusation, dont « détention illégale d'une arme à feu », « séquestration et non-assistance à personne en danger ». Selon le code de procédure pénale, l'instruction doit durer 18 mois au maximum. Etant donné que Bertrand Zibi Abeghe est détenu depuis 17 mois, le juge d'instruction n'a plus qu’un mois pour boucler son enquête. En fonction des résultats de cette enquête : soit Bertrand Zibi Abeghe est jugé, soit il est libéré par non-lieu.
Vous pouvez agir en sa faveur en envoyant cette lettre.
[1] « Si moi qui me retrouve privé de ma liberté alors que je suis innocent et détenu dans des conditions inhumaines, suis déterminé à continuer la lutte malgré les humiliations et autres intimidations vécues, à plus forte raison vous qui jouissez de toutes vos libertés. La prison ne peut ébranler ma détermination à continuer le combat engagé contre un système qui mange ses petits. Je demande aux gabonais de continuer à se mobiliser pour libérer notre pays. Ce ne sont pas les tergiversations et autres retournement de vestes de certains hommes politiques qui vont influencer notre combat. Tous ces jeunes tombés au soir du 31 aout 2016 devant mes yeux ne sont pas morts pour rien »