Russie
Rapport

Les multiples visages de la torture

En Russie, le recours à la torture est présent à tous les stades de la chaine pénale, depuis l’interpellation par la police jusque dans les prisons.
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Le 14 / 11 / 2013

L’ACAT a publié le 14 novembre un rapport [1] sur la pratique de la torture en Russie. Quatre ans après le scandale suscité par la mort en détention, le 16 novembre 2009, de l’avocat Sergueï Magnitsky [2], après de longs mois de privation de soins et de mauvais traitements, rien ne semble avoir changé.

Ce rapport est le fruit de deux ans d’enquête et de recherches menées en collaboration avec deux ONG russes majeures qui combattent la torture, Public Verdict et le Comité contre la torture. En Russie, le recours à la torture est présent à tous les stades de la chaine pénale, depuis l’interpellation par la police jusque dans les prisons.

Selon Christine Laroque, responsable des programmes Asie et Russie à l’ACAT « Ces dernières semaines, les conditions d’incarcération de Nadia Tolokonnikova, une des membres du groupe Pussy riot, ou les traitements inhumains dénoncés par les militants de Greenpeace en détention sont venus rappeler à l’opinion publique internationale la réalité de la torture dans les prisons russes. » À travers ce rapport, l’ACAT montre que, derrière ces cas emblématiques, le phénomène tortionnaire reste une pratique banalisée et profondément ancrée au sein des institutions.

« Dans les colonies pénitentiaires, torture et traitements cruels ou inhumains sont utilisés quotidiennement pour briser les détenus qui ne se plient pas aux règles, pour punir ceux qui se plaignent des violations de leurs droits, ou bien pour leur extorquer de l’argent » ajoute Christine Laroque. Malgré plusieurs scandales récents qui ont mis en lumière les abus commis en prison, l’administration pénitentiaire se réfugie dans le déni et la dissimulation au lieu de mettre en place des mesures de prévention.

« Les policiers m’ont menotté les mains dans le dos et suspendus des poids de 32 kg. Quatre d’entre eux m’ont frappé sur tout le corps, m’ont écrasé les doigts et ont essayé de me violer. J’ai fini par signer les aveux que les policiers avaient rédigés en mon nom. » [3] Ce témoignage recueilli par l’ACAT est malheureusement banal. Au sein de la police, la torture est très fréquente. Elle vise à obtenir rapidement des aveux, par n’importe quel moyen. Les policiers se contentent souvent de déclarations obtenues par la force pour clore leur enquête et répondre ainsi aux injonctions d’une politique du chiffre ou espérer obtenir une promotion.

La république de Tchétchénie connaît une situation encore plus dramatique. « Derrière l’image d’une Tchétchénie pacifiée se cache la réalité d’une zone de non-droit où la torture et les mauvais traitements continuent d’être pratiqués de façon massive » selon Anne Le Huérou, co-auteur du rapport et chercheuse spécialiste de la Russie. « Les victimes ou leurs familles ne veulent pas porter plainte pour torture, considérant que c’est dangereux et inutile. Le climat de peur favorise et perpétue l’impunité. »

L’étude réalisée par l’ACAT entre 2011 et 2013 montre que les victimes de tortures rencontrent de graves difficultés pour obtenir justice. Grâce au travail acharné de plusieurs ONG, des affaires parviennent à être jugées et des tortionnaires condamnés, malgré la résistance du système judiciaire. « Il s’agit d’un mince résultat au vu du nombre des allégations de torture dans le pays. L’impunité qui prévaut permet au phénomène tortionnaire de perdurer. Une volonté politique de prévenir et réprimer la torture est nécessaire au plus haut niveau » conclut Anne Le Huérou.

Contact presse :

Pierre Motin, 01 40 40 99 69 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr

Notes :

  • [1] Le rapport "Les multiples visages de la torture" peut être téléchargé en suivant en français, en anglais et en russe.
  • [2] Avocat fiscaliste travaillant pour un fond d’investissement étranger en Russie, Sergueï Magnitsky a découvert et dénoncé en 2007 une fraude fiscale majeure impliquant de nombreux hauts fonctionnaires. Incarcéré pour des motifs fallacieux, il est décédé en détention, privé délibérément de soins médicaux et soumis à des mauvais traitements, car il refusait de retirer sa plainte.
  • [3] Témoignage d’une victime arrêtée et torturée en garde à vue dans les locaux de la police d’Arzamas (région de Nijni Novgorod).

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