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Les questions d’usage de la force par les policiers et les gendarmes ont rarement été autant débattues. Le nombre de blessés ou tués dans le cadre de manifestations trahit des dysfonctionnements dans les pratiques de maintien de l’ordre. Bien que ces drames peuvent sembler exceptionnels comparés au volume d’interventions des forces de l’ordre, l’ACAT-France interroge sérieusement la politique des autorités en matière de gestion des foules manifestantes dans son rapport intitulé Maintien de l’ordre : à quel prix ?
Fidèle à son mandat axé sur le respect des droits humains, l’ACAT-France poursuit ses travaux sur l’usage de la force et alerte dans ce nouveau rapport les gouvernants français, les rappelant à leur obligation de protéger les libertés et droits fondamentaux, de prévenir et sanctionner toutes les violences, et tout particulièrement les violences illégitimes commises par les forces de l’ordre.
La doctrine française du maintien de l’ordre, longtemps présentée comme un modèle, se fonde sur trois principes fondamentaux :
Cependant, l’ACAT-France constate depuis plusieurs années une évolution préoccupante des pratiques du maintien de l’ordre, en opposition avec les principes de sa doctrine : recours croissant à des forces non spécialisées, opérations de maintien de l’ordre basées sur une logique d’interpellations, usage important des armes de force intermédiaire…
Pour l’ACAT-France, ces transformations ont des conséquences sérieuses : hausse des violences, nombre élevé de personnes blessées, restrictions des libertés ou encore hausse des tensions entre forces de l’ordre et citoyens. Il apparaît donc aujourd’hui plus que nécessaire d’entreprendre une réflexion sérieuse sur ces opérations.
Les autorités françaises pourraient notamment s’inspirer de ce que d’autres pays européens ont mis en œuvre, en particulier dans une logique de désescalade. L’ACAT-France ne prétend pas qu’il existe un modèle optimal d’encadrement des foules manifestantes, lequel relève d’un juste équilibre entre garantir l’exercice des droits humains et maintenir l’ordre public. Pour autant, certains choix politiques peuvent être déterminants pour changer la donne sur le terrain : conditions de travail et formation des agents, choix des armes employées… Des réflexions que les autorités françaises doivent aujourd’hui impérativement engager.
Par le passé, les opérations de maintien de l’ordre responsables de décès ou blessures graves ont conduit les autorités à revoir leurs pratiques, afin de tendre à l’idéal du « zéro blessé, zéro mort ». C’est dans ce cadre qu’ils ont procédé à la dissolution des « voltigeurs », après les violences ayant conduit à la mort de Malik Oussekine, en 1986 à Paris.
Force est de constater que ce principe a été progressivement abandonné. En effet, l’ACAT-France est vivement préoccupée par le nombre élevé de personnes blessées par les policiers et gendarmes lors de manifestations – en particulier à cause des armes de force intermédiaire comme les lanceurs de balles de défense ou les grenades à effet de souffle, et surtout du déni des autorités face à cette situation. L’association regrette également une considération insuffisante à l’égard de ces personnes.
Depuis plusieurs années, l’ACAT-France dénonce le manque de transparence sur l’usage de la force par les policiers et les gendarmes. Aucune donnée exhaustive n’est publiée sur le nombre d’armes utilisées par les forces de sécurité. Celles-ci sont inconnues de la population qui les découvre généralement seulement lorsqu’elles sont utilisées, notamment lors de manifestations.
En outre, l’ACAT-France déplore l’opacité régnant sur les suites judiciaire données aux plaintes pour violences policières illégitimes car aucun chiffre n’est publié par le ministère de la Justice. Ce manque de transparence complexifie l’analyse de la question des violences policières en France et interroge également sur la volonté des autorités de faire la lumière sur les cas d’usage abusif de la force et de les sanctionner.