Rencontre UE/Angola : la question des droits de l’homme doit être mise au centre des discussions
Mardi 7 mars, une importante rencontre ministérielle aura lieu entre le gouvernement angolais et plusieurs ministres européens, dans le cadre du suivi de l’accord « Angola Joint Way Forward» (JWF) [1] signé en juillet 2012. Selon l’ACAT, la priorité doit être mise durant cette rencontre sur le volet de l’accord dédié aux droits de l’homme, étant donnée la dégradation de la situation en Angola ces dernières années.
Selon Clément Boursin, responsable Afrique à l’ACAT, « Il est crucial que la question des droits de l’homme devienne centrale lors des rencontres entre les représentants de l’Angola et de l’UE. Les aides financières accordées par l’UE dans le cadre du JWF doivent être strictement conditionnées au respect des droits fondamentaux en Angola. Or, force est de constater que depuis 2012, la situation des droits de l’homme en Angola, notamment les libertés d’association, d’expression et de manifestation ne font que se restreindre année après année ». Il en est de même en ce qui concerne l’usage de la violence d’Etat (tortures, exécutions sommaires, disparitions forcées) dans la lutte contre le banditisme à Luanda et ses environs [2] et contre l’église « Luz do Mundo » à l’intérieur du pays [3].
Depuis 2012, grâce à l’accord « Angola Joint Way Forward», le dialogue politique et les relations commerciales entre l’UE et l’Angola se sont fortement renforcés. Entre 2008 et 2013, l’Angola a reçu 214 millions d’euros d’aides de la part d’Union européenne. Entre 2014 et 2020, une enveloppe de 210 millions a été prévue, dont 6 millions d’euros pour la société civile angolaise, notamment dans le but de renforcer ses capacités de veille et de dialogue constructif avec les autorités. Or, dans le même temps, les autorités angolaises ont adopté, en mars 2015, une nouvelle législation leur permettant de mieux contrôler les ONG. Idem pour les médias et journalistes avec la Loi sur la presse du 18 novembre 2016.
Atteintes aux libertés fondamentales, massacre, violences sexuelles et impunité généralisée
A ce jour, il n’existe aucune institution nationale des droits de l’homme indépendante et conforme aux Principes de Paris en Angola. Le pays reste l’un des cinq derniers d’Afrique à ne pas avoir ratifié la Convention contre la torture. L’impunité des forces de défense et de sécurité est notoire dans le pays pour tout type de violences (arrestations arbitraires, tortures, exécutions sommaires, disparitions forcées…). Le massacre de centaines de personnes commis à Monte Sumé, dans la province de Huambo, en avril 2015, est l’exemple récent le plus flagrant en la matière. Il en est de même pour des dizaines de milliers de Congolais expulsés avec violence d’Angola depuis décembre 2003 et pour lesquels, jusqu’à ce jour, aucun élément des forces de défense et de sécurité n’a eu à rendre des comptes devant la justice angolaise, notamment en ce qui concerne l’usage de la violence sexuelle.
Les mouvements d’opposition politique au sein de la jeunesse qui manifestent contre le pouvoir, et notamment contre la corruption au sein du régime, font l’objet d’une répression continue. Depuis mars 2011, de nombreuses manifestations pacifiques organisées par ces jeunes activistes ont été interdites à Luanda et violemment réprimées. De nombreux jeunes manifestants ont été intimidés, enlevés, frappés et torturés. Le 24 février dernier, au moins 24 d’entre eux, dont le rappeur engagé Luaty Beirao, ont fait l’objet de nouvelles violences policières alors qu’ils manifestaient pacifiquement à Luanda et Benguela. Ils ont été frappés et pour certains mordus par des chiens policiers.
Selon Clément Boursin, « l’Union européenne finance l’Angola afin que sa société civile puisse se constituer en ‘chien de garde’ des libertés fondamentales, mais on a pour le moment uniquement vu des chiens policiers attaquer des manifestants pacifiques. »
La réunion ministérielle UE-Angola du 7 mars doit être le début d’une réelle implication de l’UE en faveur d’une amélioration notable des droits de l’homme en Angola. En effet, dans le contexte électoral à venir, les tensions politiques vont s’accroître et il est à craindre que les libertés fondamentales des citoyens angolais soient encore davantage restreintes par un régime peu ouvert aux critiques et aux voix dissidentes. L’UE doit être vigilante à ce sujet et interpeller les autorités angolaises sur les libertés d’association, d’expression et de manifestation et sur la lutte contre l’impunité des auteurs et responsables du massacre de Monté Sumé, de la lutte contre le banditisme à Luanda et ses environs, et des violences contre les migrants congolais.
Contact presse :
Pierre Motin, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr
Notes aux rédactions :
[1] https://eeas.europa.eu/sites/eeas/files/jwf_en.pdf
[2] http://www.acatfrance.fr/actualite/angola---pas-dautres-jose-loureiro-padrao-
[3] http://www.acatfrance.fr/actualite/je-soutiens-les-victimes-du-massacre-de-monte-sume