Les cas de violences policières enfin recensés : une décision importante mais insuffisante
Deux semaines après la publication du rapport de l’ACAT sur les violences policières, le quotidien Le Monde a révélé que la police française va enfin recenser les cas de violences policières. L’ACAT salue cette première avancée. Elle estime cependant que les données qui vont être dénombrées sont trop parcellaires, ce qui risque de laisser dans l’ombre un grand nombre de violences policières.
L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a annoncé la création d’un « outil recensant, par convention, les blessures sérieuses, blessures graves et les décès survenus à l’occasion ou à la suite de l’exercice des missions de la police nationale ». Cet outil serait alimenté par les services de police, « dès qu’ils seront en possession d’une incapacité totale de travail [ITT] supérieure ou égale à vingt jours, soit à la suite d’une plainte (…) soit à la suite de l’ouverture d’une enquête de police ». Selon Le Monde, les agents de police devront préciser dans un formulaire, le lieu, la date, le contexte, l’arme éventuellement utilisée, et les conséquences de l’usage de la force, de la blessure au décès.
Dans son rapport sur les violences policières, l’ACAT dénonçait l’opacité flagrante des pouvoirs publics quant à l’usage de la force par les policiers et gendarmes et demandait que soient publiés chaque année des chiffres exhaustifs concernant notamment le nombre de personnes blessées ou tuées dans le cadre d’interventions des forces de l’ordre. Selon Aline Daillère, responsable France à l’ACAT et auteure du rapport L’ordre et la force, « la décision de la Police nationale constitue une première grande avancée en matière de transparence. »
L’ACAT alerte cependant sur le champ très restreint des blessures qui seront enregistrées dans cet outil et demande à l’IGPN de l’élargir. « Si le seuil de 20 jours d’ITT est maintenu, la majorité des blessures occasionnées par des violences passeront à travers les mailles du filet », déclare Aline Daillère. « Le jeune lycéen qui a reçu un coup de poing dans le visage devant le Lycée Bergson à Paris et qui a eu le nez cassé s’est vu prescrire une ITT de 8 jours. Dans d’autres cas, pour un poignet cassé et un tympan perforé, nous avons vu une ITT de 3 jours, ou encore une ITT de 10 jours pour un traumatisme crânien et de multiples fractures au visage. » L’ACAT demande que toute blessure survenue dans le cadre d’une intervention de Police nationale et ayant donné lieu à une ITT (quel qu’en soit le nombre de jours), soit recensée dans cet outil statistique. Il est en outre nécessaire que l’ensemble de ces données fassent l’objet d’une publication régulière, au minimum une fois par an.
L’ACAT recommande par ailleurs aux autorités de faire preuve de la même transparence quant à l’usage des armes par les policiers et gendarmes, et demande que soient publiées annuellement les données du fichier TSUA, qui recense le nombre d’utilisation de chaque arme par les agents de Police nationale.
Enfin, l’ACAT encourage la Gendarmerie nationale à s’engager elle aussi dans un tel processus de transparence.
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