Les autorités marocaines harcèlent des victimes de torture
Vendredi 11 juillet, Wafaâ Charaf, militante du Mouvement du 20 février [1] a été placée en détention provisoire pour avoir déclaré qu’elle avait été torturée trois mois plus tôt. Selon l’ACAT, les autorités marocaines, qui affirment qu’elles mettent tout en œuvre pour que justice soit rendue aux victimes de torture, tentent en fait d’imposer une omerta sur la pratique de la torture en poursuivant les victimes.
Selon Hélène Legeay, responsable Maghreb et Moyen-Orient à l’ACAT, « le gouvernement marocain a décidé d’agir contre les personnes qui disent avoir été victimes de tortures et non contre les tortionnaires. Cette réaction extrêmement cynique montre que les autorités marocaines, sous couvert de lutte contre l’impunité, entendent perpétuer la loi du silence. »
Wafaâ Charaf est accusée de dénonciation calomnieuse, après avoir déclaré sur les réseaux sociaux qu’elle avait été torturée par deux policiers, au lendemain d’une manifestation organisé le 27 avril à Tanger. Le 1er juin, Oussama Hassan, autre militant du mouvement du 20 février, était placé en détention pour des faits similaires.
Face aux nombreuses allégations de torture notamment portées par l’ACAT, le ministre de la Justice Moustafa Ramid a, ces derniers mois, reconnu l’existence de la torture au Maroc mais a toutefois assuré qu’il s’agissait de pratiques isolées dont l’Etat n’est pas responsable. Dans la même stratégie visant à soustraire l’État à ses responsabilités, il a, dans un communiqué publié le 10 juin 2014, certes promis des enquêtes concernant les allégations de torture, mais a aussi annoncé que les auteurs de dénonciation calomnieuse seraient poursuivis. En pratique, seule la seconde partie de l’annonce a été mise en œuvre. D’après les informations dont dispose l’ACAT, aucune enquête sérieuse, indépendante et impartiale n’a été menée concernant des allégations de torture.
L’ACAT est aussi poursuivie devant la justice marocaine pour dénonciation calomnieuse alors que les plaintes pour torture qu’elle a déposées aux côtés de plusieurs victimes sont sérieuses et circonstanciées.
Le 4 mars 2014, le Maroc s’est joint au Chili, au Danemark, au Ghana et à l’Indonésie pour lancer l’initiative mondiale pour la ratification de la Convention contre la torture. Cette initiative, saluée par l’ACAT, doit se traduire par des actes. Au même moment, le royaume chérifien multipliait les mesures de rétorsion à la suite de la convocation par la justice française du patron de la DST marocaine concernant des plaintes pour torture déposées par l’ACAT et plusieurs victimes. Selon Hélène Legeay, « avant d’appeler les autres pays à ratifier la Convention contre la torture, le Maroc, devrait commencer par respecter ses engagements internationaux afin de lutter véritablement contre la torture au Maroc, en s’assurant que la Convention, ratifiée par le pays en 1993, ne reste pas lettre morte. »
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Pierre Motin, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr
Notes aux rédactions :
- [1] Dans le sillage des mouvements sociaux nés du Printemps arabe, des protestataires marocains venant de différentes tendances idéologiques, mais partageant les revendications pour plus de démocratie et la fin de la corruption se sont fédérés au sein du « Mouvement du 20 février » et ont organisé à partir de cette date une série de manifestations pacifiques dans plusieurs villes du pays.