La défenseure Tran Thi Nga, prix Engel-du Tertre 2019, a été libérée et exilée aux Etats-Unis
Après quasiment trois ans derrière les barreaux au Vietnam, Tran Thi Nga a pu quitter sa cellule de la prison de Gia Trung à condition de quitter immédiatement le pays. Elle a donc retrouvé ses deux plus jeunes fils ainsi que son compagnon sur le tarmac de l’aéroport au matin du 10 janvier, avant d’embarquer pour un long voyage jusqu’à Atlanta, dans l’Etat de Géorgie.
Tran Thi Nga est la lauréate 2019 du prix Engel du Tertre des droits humains de la fondation ACAT, qui lui sera remis in absentia le 1er février prochain à Paris.
L’ACAT-France se réjouit de la libération de Tran Thi Nga, punie de façon inique par le pouvoir vietnamien pour son engagement en faveur des droits des plus faibles. Nous regrettons néanmoins qu’elle n’ait pas la possibilité de poursuivre son travail dans son pays, où elle a désormais l’interdiction de se rendre. Nous appelons la communauté internationale à ne pas confondre cette libération anticipée avec un relâchement de la répression opérée sur la société civile au Vietnam. Au contraire, il est plus que jamais nécessaire que les partenaires commerciaux de Hanoï portent la question des droits humains sur la table des discussions.
Contexte
1084 jours
Il s’agit du nombre de jours qu’aura passés Tran Thi Nga derrière les barreaux. Elle avait été arrêtée le 21 janvier 2017 à son domicile de Phu Ly, dans la province de Ha Nam et inculpée au titre de l'article 88 du code pénal vietnamien pour « utilisation d'Internet pour diffuser des vidéos et écrits de propagande allant contre le gouvernement de la République socialiste du Vietnam. » Durant 16 mois, elle n’a pas été autorisée à contacter sa famille. Le 25 juillet 2017, Tran Thi Nga était condamnée à neuf ans de prison suivis de cinq ans d'assignation à résidence lors d’un procès expédié en une journée. Son appel a par la suite été rejeté en décembre 2017.
En février 2018, Tran Thi Nga avait été transférée dans la prison de Gia Trung, à plus de 1000 km du domicile de sa famille. En août de la même année, elle révélait lors d’un appel téléphonique avoir été battue et menacée de mort par sa co-détenue. Pour cela, elle a fait l’objet de sanctions pour « désobéissance aux règles pénitentiaires » et ses droits de visite ont été suspendus durant plusieurs mois. Durant sa période de détention, sa santé s’est dégrade, à la fois à cause des séquelles de ses blessures et des mauvaises conditions de détention. Pourtant, aucun traitement médical ne lui a été fourni.
Tran Thi Nga, aussi connue sous son pseudonyme de blogueuse Tran Thuy Nga, est une ancienne travailleuse migrante devenue défenseure des droits humains. Elle lutte entre autres pour les droits des travailleurs, contre les confiscations de terres et la traite des personnes et en soutien aux prisonniers politiques – jusqu’à ce qu’elle soit elle-même arrêtée. Elle est mère de quatre enfants, dont deux très jeunes.
Exil forcé
Les autorités vietnamiennes ont recours depuis quelques années à une stratégie d’exil forcé des voix dissidentes. En janvier 2017, le militant des droits humains Dang Xuan Diêu a pu sortir de prison avant d’avoir effectué la moitié de sa peine initiale, à condition de quitter le Vietnam. Au mois de juin de la même année, l’universitaire Pham Minh Hoang a quant à lui été déchu de sa nationalité vietnamienne et a dû quitter sa famille pour rejoindre la France. Le 7 juin 2018, ce sont l’avocat des droits humains Nguyen Van Dai et son assistante Le Thu Ha, condamnés respectivement à 15 et 9 ans de prison, qui ont été libérés et exilés en Allemagne. Enfin, le 17 octobre 2018, la défenseure des droits humains Nguyen Ngoc Nhu Quynh, aussi connue sous son pseudonyme Me Nam, a elle aussi pu quitter sa cellule pour embarquer à bord d’un avion à destination des Etats-Unis avec sa famille. Cette stratégie permet au Vietnam de faire preuve de bonne volonté auprès de la communauté internationale tout en éloignant les défenseurs les plus influents. En parallèle, les arrestations et condamnations au sein de la société civile vietnamienne continuent de pleuvoir.