Un militant de la LUCHA arbitrairement détenu
Mobilisons-nous pour la libération de Mwamisyo Ndungo King !
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Qui est Mwamisyo Ndungo King ?
Le 2 avril 2022, Mwasimo Ndungo King se rend à la mairie de Goma à la demande du maire de la ville, également chef de la police, qui souhaite le rencontrer. À son arrivée dans les bureaux de la mairie, un mandat d’arrêt lui est présenté sans que ce dernier ne mentionne les raisons de son arrestation. Il est immédiatement mis sous arrêt et enfermé dans l’un des cachots de la mairie. Le 5 avril au soir, le jeune membre de la LUCHA – mouvement citoyen de jeunes non-violent et non partisan – est transféré vers l’Auditorat militaire de Goma. Il est accusé « d’outrage à l’armée » et « outrage aux autorités publiques » en vertu de l’article 87 du Code pénal militaire. Il est écroué à la prison centrale de Goma.
Après plus de 8 mois de détention provisoire, Mwamisyo Ndungo King est condamné, le 9 décembre 2022, à cinq ans de prison ferme par le tribunal militaire de garnison de Goma pour « outrage à l’armée ».
Pour la LUCHA, « tout comme son arrestation arbitraire et sa détention illégale prolongée, cette condamnation est inique, injuste, scandaleuse et montre la volonté croissante des animateurs de l’état de siège à museler les voix critiques ». Mwamisyo Ndungo King critiquait publiquement sur les réseaux sociaux l’inefficacité de l’état de siège ainsi que la gouvernance prédatrice des forces de défense et de sécurité en charge de la gestion de la province du Nord-Kivu. Dans sa dernière publication sur Facebook, Mwamisyo Ndungo King dénonçait le fait que le maire de la ville de Goma exige 15 dollars américains aux habitants pour l’achat d’une plaque d’identification parcellaire, dont la valeur marchande ne dépasse même pas 5 dollars.
La condamnation de Mwamisyo Ndungo King constitue une atteinte grave au droit à la liberté d’expression reconnue par les lois de la RDC, ainsi que par les traités et conventions internationales ratifiés par ce pays. Mwamisyo Ndungo King est un prisonnier d’opinion, symbole de la répression des voix critiques dans les provinces sous état de siège en RDC.
Contexte
Qu’est-ce que la Lucha ?
La Lutte pour le changement (Lucha) est un « mouvement citoyen congolais non-partisan et non-violent » fondé en mai 2012 à Goma, dans le Nord-Kivu « suite à un ras-le-bol de jeunes choqués, indignés et révoltés par la situation de chaos général du pays ». Le mouvement, que l’on retrouve aujourd’hui à travers tout le pays, plaide pour la justice sociale, la dignité humaine et la responsabilité en RDC par le biais de campagnes non-violentes et encourage les citoyens congolais à lutter pacifiquement pour la promotion et le respect des droits humains.
De janvier 2020 à décembre 2021, plus de 19 membres de la Lucha ont été arrêtés et détenus arbitrairement dans l’ est de la RDC et deux autres membres sont morts par balles lors de la répression de manifestations pacifiques.
Le 1er avril 2022, treize jeunes membres du mouvement ont été condamnés à un an de prison ferme par le tribunal militaire de Béni en violation de leurs droits à la liberté de manifestation et d’expression. Ils avaient manifesté pacifiquement contre l’insécurité dans leur province, le 11 novembre 2021. L’ACAT-France s’est mobilisée en leur faveur en avril 2022.
Quelle est la situation relative à l’état de siège ?
Le Président Félix Tshisekedi, arrivé au pouvoir en 2019, a décrété le 3 mai 2021 l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri afin « d’endiguer [les] menaces graves et de sécuriser les populations et leurs biens » pour une durée de 30 jours à dater du 6 mai 2021. L’état de siège a été mis en place sans que les Nations unies en soient notifiées, comme le prévoit normalement l’article 4(3) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
Les deux provinces situées à l’Est de la RDC – aux frontières du Soudan du Sud, de l’Ouganda et du Rwanda – sont en proie à des conflits depuis plus de 25 ans, avec la présence de nombreux groupes armés. Le contrôle des minerais que regorgent ces territoires (or, coltan…) constitue l’un des enjeux de ces conflits selon le Groupement de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP).
En vertu de l’ordonnance proclamant l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, ces dernières sont placées sous l’administration d’officiers militaires et policiers, nommés par le président de la République pour assumer les fonctions de gouverneurs, bourgmestres et administrateurs des territoires en remplacement des responsables civils. Dorénavant, les autorités militaires et policières sont habilitées à perquisitionner les domiciles de jour comme de nuit, interdire des publications et des réunions considérées comme portant atteinte à l’ordre public, interdire la circulation des personnes et interpeller quiconque qui perturberait l’ordre public. Les civils ayant commis de telles infractions seront, tout au long de la durée de l’état de siège, poursuivis devant des tribunaux militaires et non civils en violation des normes régionales et internationales en la matière.
Le nouveau gouverneur du Nord-Kivu, le lieutenant-général Constant Ndima, ancien commandant au sein de la rébellion du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) – rébellion soutenue par l’Ouganda – est surnommé « Effacer le tableau » depuis qu’il a dirigé l’opération du même nom en Ituri en 2002, durant laquelle de graves violations des droits humains ont été commises. Le nouveau gouverneur de l’Ituri, le lieutenant-général Johnny Luboya, ancien chef des renseignements militaires au sein du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma) – rébellion soutenue par le Rwanda – est soupçonné, du fait de sa position hiérarchique, d’être responsable de nombreuses exactions commises par des éléments du RCD-Goma à l’encontre de civils, notamment des violences sexuelles et des exécutions extrajudiciaires dans les régions sous son contrôle.
Depuis lors, l’état de siège est régulièrement prorogé par la présidence de la République. Lors de son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, le 21 septembre 2021, le chef de l’État congolais a indiqué que cette mesure ne serait levée que lorsque les conditions qui l’ont favorisé disparaitront. Malgré la mise en place d‘une administration militaire et policière, les conditions sécuritaires ne s’améliorent pas. Au contraire, l’insécurité s’est exacerbée notamment dans les villes de Beni, Bunia et Goma avec davantage de vols à main armée, de violences sexuelles et de meurtres : plus de 300 cambriolages durant le seul mois de septembre 2021 commis par des hommes armés pour la plupart en uniforme de l’armée congolaise.
La situation d’état de siège est critiquée par de nombreuses ONG et chercheurs spécialisés. Le 5 octobre 2021, Amnesty International a fait part de ses préoccupations concernant l’état de siège et la situation des droits humains afférentes devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. L’ONG a affirmé que, depuis la mise en place de l’état de siège il y avait « une forte augmentation des atteintes aux droits humains tandis que l’accès à la justice [avait] été drastiquement réduit ». Pour Human Rights Watch (HRW), en mars 2022, « l’état de siège dans l’est du pays est accompagné de répression ». En mai 2022, Amnesty International assurait que « l’état de siège est utilisé comme un instrument pour écraser la dissidence » avec un rapport d’analyse de 41 pages sur la justice et les libertés en état de siège au Nord-Kivu et en Ituri. Pour le chercheur Thierry Vircoulon, l’état de siège en RDC est « un échec prévisible ».