Une nouvelle victime de la lutte antiterroriste
Zyed Younes, étudiant de 25 ans, a été interpellé le 20 septembre 2014, dans le cadre d’une nouvelle vague d’arrestations menées par la brigade antiterroriste de Gorjani. Comme beaucoup d’autres jeunes hommes arrêtés dans le même contexte, il dit avoir été torturé pendant sa garde à vue afin de lui faire signer des aveux.
Après une arrestation musclée au domicile de ses parents, près de Sousse, Zyed Younes a été conduit à Monastir puis à Kasserine où les policiers ont procédé à d’autres interpellations. Ses codétenus et lui ont d’abord été détenus pendant quelques heures dans un bâtiment à Kasserine. Là-bas, Zyed Younes a été torturé dans la même pièce qu’un de ses camarades. Tous deux ont notamment été dénudés, mis dans la position du « poulet rôti » et roués de coups de poing, de pied, de barre de fer et de tuyau.
Puis le jeune homme a été conduit à Tunis, parqué dans une voiture avec de nombreux autres détenus, dans une chaleur insupportable au point qu’il a vomi. Il a ensuite passé la nuit dans des conditions inhumaines au centre de garde à vue de Bouchoucha.
Selon le récit qu’il a fait à son avocate, Me Ines Harrath, le lendemain, il a été emmené au sein des locaux de la brigade antiterroriste de Gorjani et a de nouveau été torturé pendant tout le reste de sa garde à vue. Tabassé à plusieurs reprises, avec ses codétenus, dans une geôle surpeuplée, privé de sommeil et de nourriture, électrocuté, il a fini par être conduit à l’hôpital le cinquième jour de sa détention, après avoir signé des aveux sous la contrainte. Le médecin s’est contenté de lui administrer un médicament et Zyed Younes a été reconduit à Gorjani pour la nuit avant d’être présenté devant le juge d’instruction le lendemain, avec ses 22 codétenus.
Sur l’insistance des avocats, le juge d’instruction a accepté de consigner les traces et les allégations de torture de Zyed Younes dans le procès-verbal, mais a refusé d’ordonner une expertise médicale et a décidé son placement en détention provisoire.
Contexte
Impunité et instabilité politique
La révolution tunisienne n’a pas eu raison des pratiques tortionnaires héritées de l’ancien régime et de l’impunité de ceux qui les commettent. La torture est certes moins systématique qu’à l’époque de Ben Ali, mais elle continue d’être exercée, non seulement à des fins punitives, mais aussi dans le but d’extorquer des aveux. Les personnes arrêtées dans le cadre de la lutte antiterroriste demeurent aujourd’hui les principales victimes de la torture. Toutefois, celles suspectées de crimes de droit commun, notamment de trafic ou de consommation de stupéfiants, sont fréquemment victimes de mauvais traitements pouvant aller jusqu’à la torture.
Le phénomène tortionnaire est encouragé par une impunité généralisée. En effet, bien que la situation se soit quelque peu améliorée depuis la révolution, les plaintes enregistrées sont encore trop rarement instruites et, lorsqu’elles le sont, l’instruction est souvent entachée d’irrégularités.
Recours à la torture
Depuis septembre 2012, l’ACAT et son partenaire suisse, TRIAL, ont développé un grand nombre d’actions pour aider les victimes de torture à obtenir justice en mettant en œuvre un programme de renforcement des capacités de travail des avocats travaillant sur les dossiers de torture.
En novembre 2012, dans le cadre de ce projet, l’ACAT et TRIAL ont formé une vingtaine d’avocats tunisiens, puis engagé plusieurs d’entre eux pour travailler sur 14 dossiers de victimes ayant été torturées en Tunisie avant ou après la révolution.
Le 14 janvier 2014, l’ACAT et TRIAL ont publié un rapport, Tunisie, un printemps inachevé : dix cas de torture passés au crible, qui dresse le bilan de leur travail et formule des recommandations à l’attention des autorités tunisiennes pour améliorer la lutte contre l’impunité.
Vous pouvez agir auprès des autorités tunisiennes en envoyant cette lettre