Piégé en préfécture et renvoyé au Pakistan
Le 25 avril 2015, alors que l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) lui avait accordé la protection subsidiaire et qu’il venait chercher ses papiers, Ali Sher, 20 ans, a été arrêté en préfecture et renvoyé de force au Pakistan, alors même qu’il craignait pour sa vie.
A quinze ans, Ali a vu son frère et sa sœur se faire assassiner par des chefs de village au Pakistan. Le genre de crime contre lequel la police pakistanaise n’entend pas protéger les plus démunis. Ses parents se sont alors sacrifiés pour lui faire fuir le pays ; quelques mois après son arrivée en France, ils étaient morts. Ali a été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance mais à sa majorité, la France a décidé qu’il serait « sans papiers » et qu’il devrait repartir au Pakistan.
Arrêté une première fois à Bordeaux, il demande l’asile in extremis et obtient la protection subsidiaire de l’OFPRA le 30 mars 2015. C’est la première fois qu’il peut expliquer pourquoi il ne peut pas repartir, pourquoi il est en danger dans son pays. Ali est alors libéré ; il se croit enfin protégé. C’est donc en toute confiance qu’il va à la préfecture le 20 avril 2015 pour venir chercher son titre de séjour, comme mentionné sur sa convocation.
Mais une fois qu’il est à la préfecture, le piège se referme: on lui notifie le « retrait » de sa protection par l’OFPRA et son placement en rétention. Il est arrêté et conduit dans un centre de rétention administrative. Le 23 avril 2015, il subit une tentative d’embarquement violente. Grâce au personnel de bord courageux, le vol est annulé. Deux jours plus tard, à quelques heures de son passage devant le juge des libertés et de la détention, l’escorte réveille Ali à l’aube. Au lieu de l’amener à l’audience, elle le met dans un nouvel avion à destination du Pakistan. Depuis lors, nous sommes sans nouvelles d’Ali Sher.
Selon la Convention européenne des droits de l’homme, les demandeurs d’asile doivent bénéficier d’un recours suspensif et effectif en cas de rejet de leur demande d’asile. C’est-à-dire que si l’administration répond négativement à leur demande de protection, ils ne devraient pas pouvoir être renvoyés dans le pays où ils se sentent menacés tant qu’un juge n’a pas tranché. Le droit interdit également de « piéger » les étrangers en leur réservant un autre sort que celui indiqué à l’avance sur la convocation en préfecture. (par exemple en les convoquant pour l’obtention d’un titre de séjour et en les arrêtant au final). Sinon c’est déloyal et donc illégal aux yeux de la Cour de Cassation.
Ces droits ne sont toujours pas respectés pour tous en France. Une personne privée de liberté en rétention administrative risque d’être éloignée de force vers un pays où elle est en danger, avant même que la Cour nationale du droit d’asile n’ait statué. De plus, le juge des libertés et de la détention, qui est le seul à pouvoir déclarer une procédure déloyale ou illégale et ordonner en conséquence la mise en liberté, n’intervient qu’après cinq jours. Pendant les cinq premiers jours, faute d’avocat gratuit en rétention et sans contrôle du juge, l’administration peut agir impunément. Cette fenêtre de temps laisse des personnes étrangères potentiellement menacées dans leur pays à la merci de l’administration, qui peut les expulser hâtivement pour éviter d’avoir à rendre des comptes.
Ali Sher a subi cette absence de droit à l’extrême. L’administration française avait reconnu qu’il était en danger au Pakistan, puis a fait volte-face. Ni la Cour nationale du droit d’asile ni le juge des libertés et de la détention n’ont pu examiner son cas. Son renvoi forcé vers le Pakistan illustre de manière extrême l’insuffisante protection des demandeurs d’asile contre les renvois dangereux.