Je soutiens les victimes de la lutte antiterroriste
Disparitions forcées à répétition au nord du Cameroun
C’est une longue nuit que celle du 27 au 28 décembre 2014 à Maroua, à l’extrême nord du Cameroun. 200 hommes et garçons, arrêtés dans les villages de Magdeme et Doublé au cours d’une opération de ratissage menée dans la journée par les forces armées, sont entassés dans deux cellules improvisées de la gendarmerie. Dans leurs têtes à tous, les images de leur arrestation massive et violente, pendant laquelle au moins 9 personnes ont été tuées par balles, et de nombreuses autres ont été violentées. Quelques heures plus tard, un gaz envahit l’une des deux pièces, provoquant des vomissements, des saignements de nez et des difficultés respiratoires chez les détenus. Au petit matin, au moins 25 personnes sont retrouvées mortes. 45 survivants sont immédiatement transférés à la prison de Maroua. Les 130 derniers ont disparu depuis désormais un an et demi.
Un pays déstabilisé par la présence de Boko Haram
En toile de fond de cette opération, se trouve la lutte contre Boko Haram et ses soutiens réels et supposés au sein de la population musulmane du nord du pays. Dès 2004, Boko Haram a fait du nord du Cameroun une base arrière de ses activités criminelles au Nigeria. Pendant près de 10 ans, les autorités camerounaises ont accepté sa présence et le recrutement de milliers de combattants dans ses rangs. Mais depuis 2013, sous la pression internationale, le Cameroun a opéré un changement de politique. La guerre est alors déclarée : tandis que les forces armées camerounaise arrêtent les membres de la secte et démantèlent les réseaux d’approvisionnement ; Boko Haram massacre les villageois, met en scène des attentats-suicides, recrute des enfants soldats. Les autorités camerounaises développent ainsi des opérations de contrôle au sein de la population - notamment dans la communauté Kanuri, qui vit de part et d’autre de la frontière avec le Nigeria, et qui fournit le gros des troupes de Boko Haram.
Escalade de la force et ravages de la lutte anti-terroriste
Depuis plus de deux ans, des milliers de citoyens camerounais, soupçonnés d’appartenance ou de proximité avec Boko Haram, ont donc fait l’objet de violences : arrestations de masse, exécutions sommaires, disparitions forcées, actes de torture, morts en détention… Les organisations de défense des droits de l’homme alertent, mais les autorités nient les faits, ou accusent les journalistes et défenseurs des droits camerounais et étrangers de faire obstacle à la lutte anti-terroriste. Ils sont ainsi menacés d’être accusés d’« apologie du terrorisme », une peine passible de 15 à 20 ans d’emprisonnement. Aujourd’hui, l’impunité demeure, les disparitions forcées comme celles du 27 décembre 2014 se multiplient… Et les familles continuent à réclamer justice.