L'Europe doit agir contre les persécutions des minorités ethniques et religieuses en Irak
Le 14 / 08 / 2014
En Irak, les populations civiles, en particulier les minorités chrétienne, yézidie, shabak et turkmène, sont les premières victimes des avancées du groupe armé de l’État islamique , qui ont provoqué une véritable catastrophe humanitaire dans cette partie du pays. Elles se sont accompagnées de violations majeures des droits de l’homme – torture, meurtre de civils, exécutions sommaires et extrajudiciaires, prises d’otages, ou encore actes de pillage[1] – qui, selon des récentes déclarations du Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon et de la Haut-Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU Navy Pillay, sont constitutifs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité[2]. Ces exactions s’inscrivent dans le cadre d’une conjoncture politique et sécuritaire irakienne complexe, et d’une situation humanitaire désastreuse où la garantie d’un accès de l’aide humanitaire et la préservation d’un espace humanitaire digne de ce nom constituent plus que jamais un impératif non négociable.
Nombreuses sont les communautés victimes des exactions des forces de l’État islamique en Irak. La communauté chrétienne d’Irak, qui comptait 1,5 millions de croyants en 2003, ne dénombre aujourd’hui que 400 000 membres. L’État islamique en Irak n’a fait qu’accélérer les déplacements forcés de ces populations. Le 3 août, 40 000 membres de la communauté yézidie, une minorité kurdophone adepte de croyances dérivées du zoroastrisme, ont dû fuir la ville de Sinjar et sont réfugiés dans les montagnes. Plus de 40 enfants y sont déjà morts de déshydratation. Le 7 août, la prise de Karakoch, principale ville chrétienne d’Irak, a provoqué un nouvel exode de près de 50 000 personnes.
Avec le déplacement forcé de plusieurs centaines de milliers d’Irakiens (majoritairement chrétiens et yézidis), le Kurdistan, mais également la Turquie, doivent relever un défi de taille, celui de gérer un flux de déplacés qui dépasse largement leurs capacités d’accueil déjà largement entamées par le conflit syrien.
La liberté de croyance et de religion constitue un droit fondamental de la personne humaine. En vertu du droit international, il ne peut être abrogé ou même partiellement restreint dans le cadre d’un conflit. Or, aujourd’hui, le simple fait d’appartenir à la communauté turkmène, shabak, yézidie ou chrétienne dans les zones contrôlées par les forces de l’État islamique en Irak peut être synonyme d’exécution pure et simple. Le 12 août, plusieurs Rapporteurs spéciaux des Nations unies se sont fortement alarmés de la situation de la minorité yézidie au Nord de l’Irak, en évoquant un risque imminent de génocide en l’absence de réaction concrète et significative de la communauté internationale[3].
Face à cette crise dramatique, l’Union européenne se doit d’intervenir tant sur le plan politique que sur le plan humanitaire. L’annonce le 12 août de l’octroi par la Commission européenne d’une enveloppe de cinq millions d’euros à l’Irak pour couvrir les besoins humanitaires émergents constitue certes un pas positif, mais reste insuffisante au regard du contexte sécuritaire et humanitaire. La nécessité de protéger et d’assister les personnes persécutées en raison de leur religion ou de leur appartenance ethnique constitue en effet un impératif moral de solidarité que l’Union européenne, tant sur le plan humanitaire que sur le plan politique, doit relever.